COMMUNIQUÉ DE PRESSE
La Cour de cassation vient de casser un arrêt de la cour du travail d’Anvers, qui avait considéré qu’une entreprise privée, la société de sécurité G4S, n’avait pas commis de discrimination en licenciant une de ses employées portant le foulard par conviction religieuse.
Pour rappel, la Cour de cassation avait posé une question préjudicielle à ce propos à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). En mars dernier, celle-ci avait arrêté qu’une entreprise privée peut invoquer le principe de neutralité (normalement en vigueur uniquement pour les services publics) pour interdire à ses employés de porter des signes convictionnels.
Néanmoins, la CJUE avait assorti cette possibilité de conditions :
– l’interdiction ne peut viser que les employés qui ont un contact visuel avec les clients ;
– elle doit s’inscrire dans une politique de neutralité cohérente et systématique ;
– elle ne peut consister en une simple réponse à une demande spécifique d’un client ;
– et, avant de prendre une décision de licenciement, l’employeur doit chercher un poste alternatif, sans contact visuel avec la clientèle, lorsqu’un employé émet le souhait de porter un signe convictionnel.
C’est à la lumière de cette jurisprudence (que nous avons à l’époque critiquée dans une opinion parue dans L’Echo) que la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour du travail d’Anvers. Ainsi, la Cour de cassation entérine l’argument selon lequel une entreprise privée peut interdire le port de signes convictionnels au motif qu’elle poursuit un objectif de neutralité, une exclusivité pourtant réservée à l’État, ce que nous considérons comme un égarement total. En revanche, la Cour de cassation estime dans son arrêt que la cour du travail d’Anvers n’a pas suffisamment examiné si le licenciement de l’employée en question remplit ou non les conditions fixées par la CJUE.
En d’autres termes, si la cour du travail de Gand, vers laquelle l’affaire est à présent renvoyée, considère que la société G4S a rempli ces conditions, elle avalisera le licenciement contesté. C’est ainsi que se résume l’effet déplorable de la position prise par la CJUE : elle décrit pour les entreprises privées la voie à suivre pour licencier de manière discriminatoire des employés effectuant correctement leur travail, mais qui seraient coupables d’avoir des convictions philosophiques ou religieuses visibles. Les droits fondamentaux en ressortent incontestablement fragilisés.
Bruxelles, le 23 octobre 2017
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